LE TESTAMENT POLITIQUE ET L'ADIEU ÉMOUVANT DE PATRICE EMERY LUMUMBA
Patrice Emery Lumumba, figure emblématique du patriotisme congolais et africain, sera exécuté à Elisabethville [ex-Congo belge] le
17 janvier 1961, quelques mois après sa nomination au poste de premier ministre. Tous les pays Occidentaux présents au Congo, Belgique, USA via la CIA, France, l’Onu ont intérêt à éliminer
physiquement un jeune homme au charisme irrésistible qui trimballe pour seul défaut, rédhibitoire, son amour immodéré pour son pays trop riche pour être indépendant, son refus de la domination
post-coloniale et de l’injustice. Par dessus tout, Lumumba croit fermement en l’Afrique en sa victoire sur les forces liberticides.
Le temps passant ce leader associé aux grandes figures résistantes modernes des Nkrumah, Um Nyobe, Olympio, etc. est devenu une
icône, une référence d’anticolonialisme, de cet engagement jusqu’au sacrifice de sa vie. Les politologues s’entretiennent désormais sur la dimension tacticienne du combat de Lumumba, déplorant
pour certains, une précocité de son action anti-colonialiste, face à un rapport de force défavorable. Il est heureux que l’héritage de Lumumba serve non pas pour inaugurer les chrysanthèmes, mais
fructifie un nouveau capital politique en formation.
Testament politique et Adieu émouvant. La dernière lettre de Lumumba à sa femme Pauline, écrite en
prison en décembre 1960, nous rapproche d’un leader terriblement humain, dans la pudique tendresse de ses mots à la mère de ses enfants, en même temps, d’une quintessence au dessus du commun des
mortels. Celle de celui qui va vers le sacrifice de sa vie, avec dignité et cran, pour une cause qui dépasse les existences individuelles, la sienne au premier, et qu’il voit triompher un jour.
Ce jour où l’histoire se souviendra de lui.
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Ma compagne chérie,
Je t’écris ces mots sans savoir s’ils te parviendront, quand ils te parviendront et si je serai en vie lorsque tu les
liras. Tout au long de ma lutte pour l’indépendance de mon pays, je n’ai jamais douté un seul instant du triomphe final de la cause sacrée à laquelle mes
compagnons et moi avons consacré toute notre vie. Mais ce que nous voulions pour notre pays, son droit à une vie honorable, à une dignité sans tache, à une indépendance sans restrictions, le
colonialisme belge et ses alliés occidentaux – qui ont trouvé des soutiens directs et indirects, délibérés et non délibérés, parmi certains hauts fonctionnaires des Nations-unies, cet organisme
en qui nous avons placé toute notre confiance lorsque nous avons fait appel à son assistance – ne l’ont jamais voulu. Ils ont corrompu certains de nos compatriotes, ils ont contribué à déformer
la vérité et à souiller notre indépendance.
Que pourrai je dire d’autre?
Que mort, vivant, libre ou en prison sur ordre des colonialistes, ce n’est pas ma personne qui compte. C’est le
Congo, c’est notre pauvre peuple dont on a transformé l’indépendance en une cage d’où l’on nous regarde du dehors, tantôt avec cette compassion bénévole, tantôt avec joie et plaisir. Mais ma foi
restera inébranlable. Je sais et je sens au fond de moi même que tôt ou tard mon peuple se débarrassera de tous ses ennemis intérieurs et extérieurs, qu’il se lèvera comme un seul homme pour dire
non au capitalisme dégradant et honteux, et pour reprendre sa dignité sous un soleil pur.
Nous ne sommes pas seuls. L’Afrique, l’Asie et les peuples libres et libérés de tous les coins du monde se
trouveront toujours aux côtés de millions de congolais qui n’abandonneront la lutte que le jour où il n’y aura plus de colonisateurs et leurs mercenaires dans notre pays. A mes enfants que je
laisse, et que peut-être je ne reverrai plus, je veux qu’on dise que l’avenir du Congo est beau et qu’il attend d’eux, comme il attend de chaque Congolais, d’accomplir la tâche sacrée de la
reconstruction de notre indépendance et de notre souveraineté, car sans dignité il n’y a pas de liberté, sans justice il n’y a pas de dignité, et sans indépendance il n’y a pas d’hommes
libres.
Ni brutalités, ni sévices, ni tortures ne m’ont jamais amené à demander la grâce, car je préfère mourir la tête
haute, la foi inébranlable et la confiance profonde dans la destinée de mon pays, plutôt que vivre dans la soumission et le mépris des principes sacrés. L’histoire dira un jour son mot, mais ce
ne sera pas l’histoire qu’on enseignera à Bruxelles, Washington, Paris ou aux Nations Unies, mais celle qu’on enseignera dans les pays affranchis du colonialisme et de ses fantoches. L’Afrique
écrira sa propre histoire et elle sera au nord et au sud du Sahara une histoire de gloire et de dignité. Ne me pleure pas, ma compagne. Moi je sais que mon pays, qui souffre tant, saura défendre
son indépendance et sa liberté.
Vive le Congo! Vive l’Afrique!
Patrice Lumumba.-
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L'ASSASSINAT DE PATRICE-EMERY LUMUMBA
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