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DIOCÈSE DE TSHUMBE

DIOCÈSE DE TSHUMBE

Église Catholique au Sankuru, République Démocratique du Congo.


PREMIERS ELEMENTS SUR L'ASSASSINAT DE SOEUR LILIANE MAPALAY

Publié par Mgr Gilbert Kalumbu, Chancelier sur 7 Février 2012, 12:13pm

Catégories : #ACTUALITE

Suite à l’ignoble assassinat  de Sœur Liliane MAPALAY, religieuse de la Congrégation des Sœurs de la Charité de Jésus et de Marie, Caissière de l’Institut Janua Coeli, jeudi 02 février 2012, une réunion extraordinaire des opérateurs pastoraux s'est vite tenue, le  vendredi 03 février 2012, au Centre Thabor, autour  de Monseigneur Evariste Lufuta, pour apprécier la situation que traverse l'Archidiocèse de Kananga et en faire rapport à l'Archevêque, en mission. Evaluant la situation de l'Eglise locale au-delà de l'ignoble assassinat du 02 février dernier, les participants à la réunion ont estimé que la situation socio-politique était très tendue à Kananga et que la vie pastorale de l'Archidiocèse  devenait préoccupante. Un rapport circonstancié était livré à la Nonciature Apostolique à Kinshasa. 

 
Les réflexions ont tourné autour de  4 axes:

  • le fait de l’assassinat de Soeur Liliane,
  • l'enquête, 
  • la situation de l'Eglise locale au-delà de l’assassinat,
  • les actions à entreprendre.


1. De l’assassinat de la religieuse

Dans la journée, entre 13h00 et 13h15, le forfait a eu lieu dans l’enceinte de l’Institut Janua Coeli, dans le bureau de la victime, peu après le départ des élèves et la fermeture de la grille de l’école. Pendant ce temps, les enseignants étaient encore occupés à corriger les examens que les enfants venaient de terminer. Personne n’a vu le ou les assassins.
 

 

Quelques faits:
a) Entre 11h00 et 12h45, Sœur Liliane se trouvait dans le bureau de sa consoeur, la Soeur Germaine MISUMBA, Préfet de l’Institut. Peu après, elle se rappelle qu'en tant que membre de l’équipe qui devait préparer  la célébration de la Journée Mondiale de la Vie Consacrée prévue pour les religieux à 15h30 à Malole, elle devait quitter l’école pour rejoindre les autres.

b) A 12h45, elle rentre dans son bureau contigu à celui du Préfet.
c) Quelques instants plus tard, alors qu’elle est encore dans son bureau, un cri strident est entendu de tous ceux qui étaient encore au sein de l’Institut: Sœur Préfet, le Directeur des études, le chargé de la discipline et les enseignants.

 

En se précipitant dehors pour voir ce qu’il en était, l’on se rendra compte que le cri entendu venait du bureau de la soeur caissière. Chose curieuse: la porte du bureau était fermée, la fenêtre aussi.

 

Le Directeur et la Soeur Préfet y entrent suivis des autres, et trouvent la sœur mi-debout. Au vu de sa consoeur, elle a eu juste le temps de  s'exclamer: "Ya Germaine"! Celle-ci la reçoit dans ses bras, croyant que sa consoeur avait piqué une crise de malaria. Au bout de quelques instants, sœur Germaine se rend compte que sa consoeur inerte, avec un long couteau de cuisine planté entièrement dans son cœur, était agressée. Le sang ne coulait pas. Dans la panique, on la conduit à l’hôpital général situé à quelques mètres du couvent des Sœurs de la Charité de Jésus et de Marie. Trop tard!
d) L'agression de la Sœur Liliane se serait passée entre 13h00 et 13h15.

2. L'enquête et ses en-dessous
 
Quelques minutes après, les coups de téléphones fusent de partout pour annoncer la mort de cette religieuse. Sur la cour de l’école était inondée une foule des gens de toutes sortes: des religieux et religieuses conviés au rendez-vous de Malole pour la messe que le Chancelier de l’Archidiocèse devait présider en la célébration de la journée mondiale de la vie consacrée, les prêtres diocésains présents dans la ville de Kananga, des parents d’élèves, les passants et les curieux,   plusieurs services de l’état et un dispositif important des policiers pour diligenter l'enquête. Les agents des Services des Renseignements  étaient visibles presque partout. Le bâtiment administratif de l’école scellé. Le Directeur des études longuement entendu, le chargé de la discipline aussi. La sœur Préfet qui accompagnait la défunte à l’hôpital était perturbée. Elle est tout de même rentrée donner sa version des faits aux enquêteurs. 


Nous avons tenu à suivre de plus près le déroulement de l'enquête, au-delà de la confusion qui prévalait.


Les premiers éléments qui ressortent du commentaire des enquêteurs:
- Lieu du crime: le crime est commis dans l’enceinte de l’école, grille fermée, porte et fenêtres du bureau de la victime fermées;
- Voies d'accès à l'école: l’école n'a d'issues que la grande grille de sortie pour les élèves avec une petite sortie réservée aux religieuses pour accéder au couvent;
- Auteurs du crime: les auteurs du crime ne sont pas à chercher en dehors de l’école et du couvent.
C’est cette thèse qui circule désormais partout dans la ville de Kananga.
 

 

Néanmoins, nous estimons que les enquêteurs ne peuvent pas se dérober à l'exploitation des pistes plus amples. Et cela à partir de l'observation de certains faits:
- la grille de l'école n’était pas fermée immédiatement après la sortie des enfants;
- la position du couteau dans le  corps de la victime  laisse croire à  l'exercice d’un acte posé, non pas par un néophyte, mais par un expert en la matière (un simple voleur, un chégué, un non initié est incapable de pareille dextérité dans l’exécution de ce forfait);
- on ne peut pas dire que l’assassin (les assassins) était venu pour voler de l’argent. La caissière ne garde jamais l’argent à l’école et tous les parents qui ont des enfants à Janua Coeli le savent très bien, car cette école a été l’objet des vols successifs au cours de l’année scolaire en cours sans que l’autorité locale, à chaque fois sollicitée, fasse quelque chose pour sécuriser l'institut;
- les passants et les mamans qui vendent au coin de la cure de Saint Clément racontent avoir aperçu un véhicule blanc avec des vitres fumées stationner brièvement le long des murs de l’école peu avant la sortie des enfants avant de le voir continuer dans la direction de l’hôpital général;
- compte tenu des éléments à disposition, il y a lieu de conclure que le crime a été prémédité et planifié par un expert en la matière.


3. La situation de l'Eglise locale au-delà de l’assassinat
On ne peut comprendre cet acte ignoble sans en décrire le contexte immédiat:
- L’Institut Janua Coeli est une école privée des Sœurs de la Charité, comptée parmi les écoles secondaires catholiques de la ville de Kananga, avec un haut standing dans l’éducation et la formation des enfants.

- Son implantation dans la proximité de l’Eglise pro-cathédrale Saint Clément le rend encore plus spécial et attractif par rapport à d'autres. C'est un institut qui regorge beaucoup d'enfants, de la haute à la moyenne classe. On y dénombre surtout ceux des familles nanties: les hauts cadres de l’administration publique, les officiers de l’armée et de la police, les commerçants, les professeurs d’université.
- Sœur Liliane MAPALAY est une jeune professe, apparemment sans histoire. Elle n’a pas encore deux ans dans cette école.
- Le préfet de l’Institut, sœur Germaine MISUMBA, est à la tête de l’institut depuis deux ans, avec pratiquement sans histoire.
- A cause de la grève déclenchée à travers le pays, les responsables des écoles qui ont connu des désagréments, surtout les écoles des filles, prennent des  dispositions qui s'imposent pour ne pas exposer les enfants. Depuis cet événement de la grève, et eu égard aux dispositions observées par certaines écoles catholiques de la ville, il y a lieu de relever, dans le chef de l’administration provinciale, des faits et comportements d’harcèlement agressif à l’endroit des sœurs et de l’ensemble de l’Eglise catholique qui est à Kananga:
a) Après les événements de la grève, un agent des services des renseignements est venu trouver le Préfet de l’Institut Janua Coeli (Soeur Germaine MISUMBA) pour lui demander des explications sur la fermeture de leurs écoles.
b) Le lundi 30 janvier 2012, le Ministre de l’Intérieur de la Province avait convoqué la Commission Provinciale de l’Education pour fustiger et intimider les écoles catholiques. Le Coordinateur Provincial des Ecoles Conventionnées Catholiques a, séance tenante, répondu en arguant que cette grave accusation ne tenait pas compte du fait que les écoles des filles, notamment celles de Notre-Dame et de Saint Clément, ont souvent été la cible de vandalisme, de vol et de représailles. Pour se protéger, il était prudent de ne pas les ouvrir. Prenant en compte ces doléances, le Ministre a promis aux membres de la Commission de l’Education qu’il ferait tout pour protéger ces écoles. Il a confirmé son propos par un communiqué  radiodiffusé qui répétait sa ferme promesse de protéger et de sécuriser ces écoles catholiques par les éléments de la police.
c) Le mardi 31 janvier 2012, consécutivement à la réunion du Conseil de Sécurité Provinciale – qui réunit le Gouverneur, les Généraux de l’Armée et de la Police, les Responsables des Services de Renseignements, le Maire de la Ville et autres hauts fonctionnaires de l’administration provinciale –, l’Inspecteur Principal avait rendu publiques les mesures prises pour la sécurisation de deux paroisses de Notre-Dame et Saint Clément et les écoles qui s’y trouvent, dont l’Institut Janua Coeli.
d) Le même jour le Ministre de l’Intérieur provincial et les Services de Renseignements avaient convoqué le Coordinateur diocésain des Ecoles Conventionnées Catholiques pour être interpellé sur la fermeture des écoles catholiques le jour de la grève.
e) Le mercredi 01 février 2012, le Coordinateur diocésain de la Pastorale fit connaître à la Chancellerie les menaces qui pesaient sur lui de la part des Services des Renseignements pour «avoir demandé aux écoles d’exploiter le message de la CENCO».
f) Le mardi 31 janvier et le mercredi 01 février 2012, l’ancien Président de la Commission diocésaine de Justice et Paix reçoit des menaces de mort dans son téléphone.

En mettant tous ces faits ensemble, on se rend vite compte que:
g) l’assassinat de sœur Liliane est un acte purement politique.  Il est d’ailleurs possible que l'auteur du crime se soit trompé de personne. Tout porte à croire qu'en lieu et place de la victime du 02 février, c’est la sœur Préfet qui serait ciblée directement. Ne la connaissant pas très bien, de physionomie, le sort est tombé sur Liliane, "l'innocente". Le cuisant échec connu par les politiciens pro-régime en place aux élections présidentielle et législatives dans la ville de Kananga met vraisemblablement en cause les écoles catholiques de la place.
h) L’Eglise catholique locale semble la cible de tous les actes du genre.

4. Que faire? 
Au cours de la réunion du Centre Thabor, les participants, le Chancelier de l'Archidiocèse – Vicaire Judiciaire, le Vicaire Episcopal chargé du Clergé, les doyens de Notre-Dame et de Notre Père, le Responsable de la Commission de la Vie Consacrée, les Coordinateurs Diocésain et Provincial des Ecoles Conventionnées Catholiques, l’Econome Général et son Adjoint, ont manifesté le souci de trouver rapidement les voies et moyens de réagir pour faire entendre la voix de l’Eglise locale et sa prise de position par rapport à la situation qui prévaut dans la ville de Kananga.
 

En attendant, les instructions de l'archevêque, les  participants à la réunion du Centre  du 03 février 2012 ont suggéré une série d'actions à entreprendre dans toute l'étendue de l'Archidiocèse:
a) Le jeûne et la prière dans toutes les paroisses et communautés sacerdotales et religieuses;
b) Produire une déclaration en Français et en Tshiluba pour traduire l’indignation de l’Eglise Catholique de Kananga;
c) Se mobiliser pour enterrer solennellement la sœur défunte: procession à pied, de Saint Clément jusqu'au cimetière de Malole, avec pancartes de messages, comme nous l'avions fait à l’occasion de l’assassinat de la sœur de Nganza;
d) Conscientiser, par la radio diocésaine, les parents des enfants sur les menaces qui pèsent sur les écoles où étudient leurs enfants, afin qu’ils cherchent à renforcer leur protection;
e) Ecrire au Ministre de l’Intérieur de la Province pour dénoncer ses fausses promesses et son refus d’assister les personnes en danger.
f) Porter plainte contre le Ministre Provincial de l’Intérieur pour ce manquement délibéré.

 

En attendant la procuration de l'Archevêque, une copie du présent rapport  a été envoyée à l’Avocat pour avis technique conformément aux exigences du droit congolais.


En pleine réunion, l’Institut Janua Coeli nous tient informés de l’«enlèvement» de l’enseignant chargé de la discipline. Nous nous sommes mobilisés et avons entrepris ce qui est à notre niveau pour que le jeune homme revienne. Nous suivons de près le dossier.

  
Autres nouvelles relatives à cette situation:
- Le Nonce Apostolique, qui avait appelé la Chancellerie pour s'enquérir de la situation, a reçu un rapport circonstancié.
- Les ONG de droits de l'homme sont saisies.
- La situation socio-polique est très tendue. Il semble qu'il y a des soldats, non originaires du Congo, qui sont à l'oeuvre pour la déstabilisation du Kasayi. Au moment où je couche ces lignes, un taximotoman vient d'être assassiné par un militaire à la SNEL.
 

Mgr Gilbert Kalumbu

Chancelier.-


Ont pris part à la rencontre:
•    Mgr Lufuta Evariste, s’est senti mal peu avant de commencer la rencontre et s’est     retiré
•    Abbé Malu Elie
•    Abbé Batungila Jean Hilaire
•    Abbé Henri Tshipamba
•    Père Kalombo Jean Marie, sdp
•    Père Mutoke Sylvain, ocd
•    Sœur Berthe Kalel, sœur de la Charité
•    Monsieur Kasonga Sylvain, Coordinateur diocésain des ECC
•    Mgr Gilbert Kalumbu, président de la rencontre en l’absence de Mgr Lufuta.

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